Est-ce ainsi que les hommes vivent ?

S’accoupler, s’affilier, trouver un lieu où vivre, dotés d’une source pour se désaltérer, d’aliments pour se nourrir et d’un toit pour se protéger, bref un nid pour y élever ses enfants, n’est-ce pas là les besoins essentiels de notre espèce ?

N’est-ce pas là où se nichent les fondamentaux de la vie qu’on partage d’ailleurs avec tout animal ?

Sauf, qu’à l’inverse de nos  frères  animaux, notre évolution et sa sophistication individuelle et sociale nous ont fait perdre, nous humains, l’essence et le sens de la vie, celle d’un vivre ensemble dans le partage, la solidarité et  la responsabilité qui, en des temps anciens, étaient le gage et la condition même de la survie de chacun.

Il est utile de se demander quand s’est fait le renversement de ce paradigme qui a fait émerger l’individu singulier et sujet, certes libéré du carcan tribal, mais de plus en plus replié sur lui-même, vulnérable, donc amené à se méfier et se défier de tout étranger, y compris son voisin, comme ennemi virtuel de sa  sécurité et de son bien-être,  quand bien même cette menace n’est que virtuelle et qu’elle ne porte surtout pas atteinte à l’essentiel.

Mais justement ! N’est-ce pas ce besoin nouveau né de l’injonction au consumérisme qui a créé cette distorsion quant aux représentations ?

Pour en revenir au thème de la famille, les parents d’aujourd’hui, ne sont pas rassérénés, comme les nôtres, de générations plus anciennes, d’assurer à leurs enfants l’essentiel, le gîte, le couvert et des loisirs accessibles.

Happés par le consumérisme et la compétition, ils ne se vivent « bons parents » qu’en offrant à leurs enfants les derniers  gadgets et des « activités » couteuses, d’où leurs angoisses de fins de mois.

N’est-ce pas ce renversement des valeurs : se juger comme « bon parent », à partir du superflu et non de l’essentiel, qui rend sensible les petites classes moyennes, aux budgets restreints, aux discours alarmistes contre les migrants « qui viennent nous manger notre pain » ?

Est-ce une clé, parmi d’autres,  pour expliquer cette peur irrationnelle des européens d’un envahissement par les migrants ?

En effet, confrontés à ce phénomène migratoire d’une beaucoup plus grande ampleur, des petits pays, plus démunis,  comme le Liban ou la Jordanie n’ont pas cédé à cette panique.

Pour conclure je pose juste une petite question aux parents européens.

N’est-ce pas un paradoxe de soutenir ou accepter qu’on dresse ici et là  des murs de ciment qui ne reflètent que leur propre nudité quand, dans la tiédeur de son foyer familial, on exhorte ses enfants à toujours être d’un espace, non d’un mur, d’une lumière, non d’une ombre portée ?

Houria Chafaï