Être chômeur est un statut difficile à vivre pour beaucoup. Le chômage en lui-même est déjà vécu comme une sanction à laquelle s’ajoutent les sanctions dans les « manquements » des chômeurs vis-à-vis de leurs obligations.
Être sans emploi, après avoir travaillé ou après un parcours d’études contraignant peut être terrible d’autant plus que dans notre société française et dans notre culture, l’une des premières questions pour se présenter et faire connaissance et entrer en relation de façon polie est : « qu’est-ce que vous faites dans la vie ? ».
Je dois dire que je préfère nettement la question de politesse coréenne « as-tu mangé », ou encore l’interrogation sur le nom de famille au Mali pour les cousinages à plaisanteries, quitte à donner un nom à l’étranger qui se présente à nous.
Ah oui, si au moins cette question nous invitait à donner un travail à la personne qui se présente à nous comme chômeur ou sans emploi au lieu de l’accabler dans le mal être qu’il peut ressentir ou la culpabilité à cause de son statut et parfois en croyant nous même ou en lui faisant croire qu’il suffirait de sonner à la porte de l’emploi pour qu’elle s’ouvre.
On oublie souvent que les chômeurs ne chôment pas et qu’ils sont avant tout chercheurs d’emploi. Car oui, là encore notre mot pour cette réalité du chômage est emprunte à un mot dont l’étymologie signifie « se reposer » et même si l’on regarde la définition du Larousse ; chômer : ne pas travailler à cause d’une fête.
Peut-être c’est ce qui reste pour beaucoup dans l’imagination collective, le chômage c’est la fête !
Et qu’en est-il de tous ceux qui se lèvent chaque matin la boule au ventre de peur de ne pas trouver d’emploi et de se retrouver encore dans le rouge à la fin du mois ?… rouge de honte, de colère parfois, mais très rarement du bronzage d’avoir chômé.
Lorsque l’on ajoute à cela les sanctions qu’ils peuvent subir, la peine peut être d’autant plus grande. En effet, le décret n°2018-1335 du 28 décembre 2018 relatif aux droits et aux obligations des demandeurs d’emploi et au transfert du suivi de la recherche d’emploi, élargit les conditions de radiation de Pôle Emploi avec suppression de l’allocation. Ceci concerne par exemple des absences à des rendez-vous qui ont été pris, soit par Pôle Emploi, la Mission Locale, Cap Emploi, l’AFPA, mais aussi des prestataires privés de l’emploi ou des sous-traitants et pour des offres parfois complètement déconnectées du profil et des compétences du chercheur d’emploi.
Certaines formations sont prescrites à des demandeurs d’emploi alors qu’elles ne sont pas adaptées à leur demande, parfois, elles sont récurrentes et les Offres Raisonnables d’Emploi (ORE) ne sont pas si raisonnables que ça car elles peuvent imposer aux demandeurs d’emplois de renoncer à ce à quoi ils aspirent pour répondre à leur qualifications et/ou en terme de salaire pour changer complètement d’orientation voire d’éthique professionnelle et devoir se déplacer loin au détriment d’une vie familiale lorsqu’il n’y a pas d’offre correspondante dans le périmètre de recherche. Une vidéo de Pôle Emploi vante par exemple le cas d’un homme titulaire d’un master en ressources humaines qui est devenu agent immobilier, car son savoir être pouvait refléter de réelles compétences dans ce domaine. Et c’est vrai, qu’est-on capable d’accepter lorsque l’on craint de devoir refuser une offre qui nous est présentée car là encore il est possible d’être radié pour deux refus d’Offre Raisonnable d’Emploi ?
Pas de chômage pour les sanctions !
Mais les sanctions peuvent également être dues à un compte Pôle Emploi dématérialisé que les chercheurs d’emploi ne mettront pas à jour régulièrement alors que de nombreuses personnes ont des grandes difficultés avec l’outil informatique et qu’on les contraint d’ajouter cette compétence aux autres pour leur recherche d’emploi. D’autant plus que les logiciels évoluent et les demandes du site Internet varient tant et tant que même les conseillers n’ont pas toujours le temps de constater l’évolution rapide des rubriques et les contraintes auxquelles sont confrontées les demandeurs.
Dans ce climat général, les contrôles vont également augmenter en 2019 et les conseillers Pôle Emploi reçoivent aussi des pressions afin de signaler les chômeurs qui ne respecteraient pas ces obligations et ces contraintes. Certains conseillers qui pouvaient accompagner avec patience et bons conseils vivent cette pression et en souffrent car ils côtoient cette précarité jour après jour en direct avec les demandeurs d’emploi et ils pouvaient encore, jusqu’à présent, donner leur avis pour refuser la radiation des personnes qu’ils accompagnaient.
Pour remédier à cela et éviter l’empathie des conseillers, les recours quant aux radiations ne seront plus du tout traités en agence et tout sera désormais fait à l’écrit de manière déshumanisée ; la personne qui prononcera la radiation ne sera pas à la rencontre de la souffrance de la personne en quête de travail et confrontée à sa situation financière ou sa situation de vie.
Veut-on vraiment accompagner vers l’emploi ou juste faire baisser le taux de chômage par la fluctuation des radiations et au rythme des sanctions ?
Rémi Droin